L’officier à casquette s’approche de Madenn. Avec condescendance, il ironise :
   — Fous afez fait des emplettes chère madâââme ! Madame Maaadeeen Grrrall ! On m’a beaucoup parrrlé de fous... une courrracheuze mèrrre de famille !

L’officier pointe son index sous le menton de Madenn et lui relève la tête brutalement. D’un ton sarcastique, il interroge :
   — Afez-fous quelque chose à déclarer dans fos bâgacheu madâmeu ?

Madenn répond docilement :
   — Oui, des patates, galoches, cigarettes et gâteaux...

Le vélo déstabilisé par le poids du sac glisse le long de la cabine. Les pommes de terre roulent entre les pieds des militaires.

Jésus, Marie... c’est la fin !

Un tubercule est arrêté dans sa course par la botte d’un soldat. L’officier demande à Madenn de le ramasser puis vocifère :
   — Nous allons procéder au démontage de fotre bicyclette !

Un spasme jubilatoire fait osciller la lèvre supérieure du gradé. Le rictus se transforme en une grimace d’insatisfaction lorsque la fouille se révèle infructueuse. Le soldat missionné pour cette tâche observe méticuleusement chaque pièce du vélo. Avec une tige de fer, il scrute les tubes métalliques et les gaines. Rien n’est laissé au hasard, ni les câbles, ni la dynamo. Le pédalier, le porte-bagages et la selle sont secoués. À l’écoute du moindre bruit suspect, le soldat zélé poursuit son autopsie mécanique.

Mais le vélo ne présente aucune modification et ne cache aucun document. L’homme jette alors son dévolu sur la musette de Madenn qu’il vide de son contenu. Puis, à l’aide d’un couteau, il en ouvre le fond. Toujours rien !
L’officier, d’humeur coléreuse, donne un coup de pied dans le paquet de madeleines qui s’éparpillent au sol.

Dieu soit loué, ils ne s’intéressent pas à mes patates !